Odelin Salmeron, poète

Il vient de Cuba et réside aujourd’hui au Québec.
Avec le poème lauréat « Le soleil est mort », Odelin Salmeron qui a été réfugié, décrit avec un réalisme troublant les ombres de nos vies, ces non-dits morbides que l’on veut vite oublier ou ne jamais imaginer. Ici le « peut-être » de l’espoir est 
l’infiniment petit et il fait toute la différence, il rejoint la myriade et illumine nos ténèbres. A découvrir.

 

« La différence fait partie de mon existence… »
Odelin Salmeron, 1er Prix La Différence – Poésie 2020

 

Pourquoi écrivez-vous ?
Le besoin de dire reste le grand moteur de la littérature.
Je crois que toutes celles et tous ceux qui écrivent le font puisqu’elles/ils ressentent ce besoin très fort, parfois comme un mode de libération, parfois pour le grand plaisir de créer.
Moi, j’ai une urgence à dire, à raconter et à créer.

 

Vous étiez-vous déjà penché sur la notion de différence avant ce concours de poésie ?
La différence fait partie de mon existence, de nos existences. Donc, comment l’ignorer et ne pas se pencher vers cette notion ?

 

Avez-vous une actualité littéraire (publication, blog) ou cette nomination est-elle une première pour vous ?
Non, je n’ai pas de blog ni de page Web 🙁

 

Odelin Salmeron, invité de la visioconférence « De l’inspiration poétique, de l’éthique et du désir d’acceptation » du 24 janvier 2021. Voir la vidéo.

Cette année. les poètes devaient introduire dans leur premier vers un des trois adverbes suivants : même si, encore ou peut-être, révélateur d’une perspective de la notion de différence. Odelin Salmeron aura opté pour « peut-être »…

 

Le soleil est mort

 

La différence se trouve peut-être
à chaque soir
quand l’on se couche
en une forme différente.
Lit et draps disparaissent
sous les cadavres.

Se réveiller dans le regard de l’autre
et découvrir ses hallucinations.
Maquiller les visages
avec l’encre rouge giclée du cœur.
Découvrir les coupables
des cauchemars.

Happer les minutes
qui passent
insectes menaçant de nous dévorer
déchirent les voiles
dans un rituel qui brûle le désespoir.

Cette différence qui nous mène
à ne plus nous reconnaître
à oublier le langage des noyés
et garder le cœur muet
c’est celle qui nous conduit
jusqu’au plus profond du mystère.

Arrêter de tourner en rond dans sa propre peau
retrouver sa conscience
la fatigue clouée dans le ventre
comme tant d’autres femmes auparavant.
Ôter les mains du corps de l’amant
les laisser reprendre la route vers l’absence.

Le soleil vient de mourir
les chemins se sont courbés
sous le poids du sang
et des membres amputés.
Comment garder un bouquet de lumière
si même la lune a été tranchée ?

Faire la différence
en mastiquant les mots
venus se poser derrière les lèvres
comme les oiseaux d’haute tension
se posent sur les câbles.
Puis changer l’horizon de place
transformant la mémoire
en délivrance.

Contre toute attente
sourd une musique.
Ce sont les vertèbres qui chantent
pleins d’étoiles —volées— dans leurs cellules.