Sybille Bolli, poétesse


Les écrits du « Prix Maurice Koné – La Différence » abordent la différence en levant le voile en toute émotion poétique sur le ressenti face à une problématique d’échec ou d’absolu qui tient à cœur au poète.
Sybille Bolli (Suisse) est l’auteure du poème lauréat de cette quatrième édition. 

 

En plein coeur

 

« Écrire fait partie de moi et c’est un besoin
autant qu’un plaisir, un artisanat, un partage. »

Sybille Bolli, Prix Maurice Koné – La Différence 2021

 

 

Quel est votre nom d’auteur et votre pays de résidence ?

Je vis, travaille et écris dans la partie francophone de la Suisse.
Sibylle Bolli est mon nom d’auteure.

 

Pourquoi écrivez-vous ?

Pour de multiples raisons.
Écrire fait partie de moi et c’est un besoin autant qu’un plaisir, un artisanat, un partage. C’est une façon de dialoguer avec le monde et avec l’autre, de grandir, d’être libre, de métaboliser l’existence, de donner du sens, de continuer à rester vivant et peut-être, d’inviter l’autre dans un regard, un fragment de miroir, une résonnance.

En ce sens, je crois profondément à l’importance de la poésie, de l’écriture, comme d’ailleurs à l’Art en général.

 

Vous étiez-vous déjà penché(e) sur la notion de différence avant ce concours de poésie ?

Oui, c’est un thème qui me touche particulièrement et qui fait écho aussi avec mon histoire personnelle depuis enfant. La différence est une richesse, mais elle est souvent vécue comme une solitude pour certains et comme un argument de rejet pour d’autres.
Dans la différence, ce que nous en faisons, comment nous l’exprimons, comment nous rencontrons celle de l’autre, se trouvent des enjeux d’humanité.

 

Avez-vous une actualité littéraire (publication, blog) ou bien cette nomination est-elle une première poétique pour vous ?

J’ai publié dans différentes revues littéraires francophones, en Suisse, en France et au Canada. Cette nomination est néanmoins une première pour moi et elle représente un encouragement dans mon travail d’écriture et ma recherche poétique, et me conforte dans l’idée que la poésie est puissante et peut parler des choses les plus intimes et les plus difficiles, comme des choses les plus belles qui relient les êtres humains entre eux. En cela, je vous remercie du fond du cœur !

 

Transparence et puissance…

 

Ici, le message de la mère remonte du plus profond de l’âme, et devient le cri d’espoir de l’être qui choisit de semer la vie.
Ni ponctuation, ni majuscule, les vers libres à l’absolu sont l’engrais. L’engrais pour des graines semées, enracinées, qui émergeront avec l’essence qui aura contribué à les faire émerger. 

 

 

Ce seront des mots fertiles

 

mon enfant
si semblable et si différent
ma source murmurante
de ce côté-ci de l’amour

je suis une terre rouge pour qui regarderait
les pluies les disparus ravinent
à force d’accrocher
toutes les épines du chemin

nos pieds nus courent
nos pieds nus
sur les fantômes des pères
sur les berceuses des mères

à peine les pas s’inscrivent qu’ils se sauvent par le vent
mais j’ai souvenir de chaque vie chaque visage

et le tien ses yeux noirs
qui renversèrent le monde

différence d’un ressuage
sentiments à l’air libre
ce poème te cherche avec ses mots
par-delà mers et déserts

loin du sang muet de la guerre
qui se répand des fils des filles
du plus petit de nos poings levés

qu’il verse jusqu’à toi ses verbes de printemps
son roseau flûté
la fraîcheur d’une ombre aux mains pleines

lui qui ouvre un espace vibrant
ici dans le sel de la blessure
un chant d’alouette à la verticale des tombes

mon enfant d’exil
écris-moi un poème comme on plante un arbre calme

ou comme on libère l’oiseau insoumis
je le chérirai dans mon silence du plus profond

je le laisserai déplier ses jeunes caresses
les terres ne sont pas sans langage tu sais
elles demeurent visage contre ciel
s’élèvent s’arrachent aux remords
quand d’autres grumellent en sables secs
poussière d’os et vipères à cornes

mon enfant toi aussi
tu es une terre mon enfant

je l’arpente des débuts et puis
d’avant les débuts
elle porte des fruits sublimes
au goût d’adieu
et des forêts d’arbres bleus
qui racinent en lumière

enfant grain de pollen
semblable et différent
autre visage de l’amour

je te donne des mots fertiles
aux longues ailes qui s’éloignent du chagrin
pour que jamais tu ne sois seul

 

 

***

Pour aller plus loin…


Retrouvez le poème de Sybille Bolli qui sera déclamé lors de l’exceptionnelle visioconférence qui aura lieu en février 2022.

Egalement dans le recueil des lauréats et nominés publié et offert en juillet 2022.