Tawfiq Belfadel – Algérie
1er Prix « La Différence – Abidjan 2018 » Catégorie Adultes.
Ecrivain – chroniqueur
Depuis quand écrivez-vous ?
Depuis 2010.
Avez-vous déjà été publié ?
Oui. J’ai publié «Sisyphe en Algérie» (recueil de nouvelles) en 2017 en Algérie.
– Pourquoi aimez-vous écrire?
J’aime écrire pour affirmer mon existence, persuadé que sans écriture, il y aurait toujours un vide énorme en moi. Ecrire m’est donc un exercice plus humain qu’artistique.
J’aime écrire aussi parce que l’écriture me permet de bâtir, grâce à mon imagination et mes mots, des ponts avec l’Autre. C’est le sentiment d’être attaché à l’Autre : pour moi, écrire est un travail d’altérité. Ainsi, je n’aime pas faire de l’écriture ghettoïsée dans l’espace national : j’aime faire de l’écriture universelle, la littérature-monde qui défie les frontières et les différences.
Poème lauréat
« Le pont des mots »
Ma rive est noire,
La tienne est blanche.
Tu as un nom.
Mon nom est une couleur : le noir.
Ici, je raconte,
Ailleurs, tu m’écoutes.
Tu ne me vois pas
Ma voix n’a pas de couleur.
A travers les voiles de mon récit
Tu me cherches
Et tu te cherches.
Mes mots sont ton miroir,
Je raconte la musique de la brousse,
Les contes des ancêtres,
Les ombres du passé,
Le soleil du présent,
Le silence du père,
Et l’ivresse du sorgho.
Je raconte la mère guettant au seuil,
Le retour des exilés,
Je raconte le périple de ma couleur,
Et les sanglots de ma langue maternelle.
Tu racontes à ton tour
Je te cherche
Et je me cherche.
Nos mots abattent les murs,
Libèrent les mouettes,
Et tissent un pont.
Un pont sans couleur, sans nom.
Il ne touche ni la terre, ni le ciel :
Un pont sans carte d’identité.
Sur le pont, tu deviens moi
Et je deviens toi.
De nos différences, naît un nouveau corps
Un seul,
Ni le tien ni le mien.
Un corps sans couleur.
Je veux rester sur le pont
Et toi ?
Je veux me voir en toi pour ne pas retourner à moi
Et toi ?
Belfadel Tawfiq