Poésie et végétal : de l’importance de la fleur / Suzanne Césaire et Marceline Desbordes-Valmore

 

 

Elles ne sont pas du même siècle, mais ces deux auteures charismatiques auront repoussé les limites des conditions des femmes de leur époque. Acclamées par bien d’illustres écrivains : Aimé Césaire, qui deviendra son époux, ou André Breton pour Suzanne Césaire, Balzac et Verlaine pour Marceline Desbordes Valmore, mais encore ? Leurs écrits sont des témoignages puissants d’une pensée différente assumée. Liées indéniablement à l’histoire de la Martinique (lieu de naissance de Suzanne Césaire) et de la Guadeloupe (Marceline Desbordes-Valmore y passa une partie de son enfance et écrivit contre l’esclavage). Le végétal se retrouve au cœur de leur perspective littéraire. Précurseures avant l’heure de la prise en compte vitale de l’environnement qui nous entoure.

 

Suzanne Césaire et « l’homme plante »

 

Extraits

« Qu’est-ce que le Martiniquais ?
– L’homme-plante.
Comme elle, abandon au rythme de la vie universelle.
(…) Entendez qu’il se laisse porter par la vie, docile, léger, non appuyé, non rebellé – amicalement, amoureusement. Opiniâtre d’ailleurs, comme seule la plante sait l’être. Indépendant (indépendance, autonomie de la plante). Abandon à soi, aux saisons, à la lune, au jour plus ou moins long. Cueillette. Et toujours et partout, dans les moindres représentations, primat de la plante, la plante piétinée mais vivace, morte mais renaissante, la plante libre, silencieuse et fière.

Ouvrez les yeux – un enfant naît. A quel dieu le confier ?
Au dieu Arbre. Cocotier ou Bananier, parmi les racines duquel on enterre le placenta.

Ouvrez les oreilles. Un des contes populaires du folklore martiniquais : l’herbe qui pousse sur la tombe est la vivante chevelure de la morte, qui proteste contre la mort. toujours le même symbole : la plante.

Suzanne Césaire. tropiques, n°5, avril 1942

 

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Il est exaltant d’imaginer sur ces terres tropicales, rendues enfin à leur vérité interne, l’accord durable et fécond de l’homme et du sol.
Sous le signe de la plante.

Nous voici appelés à nous connaître enfin nous-mêmes, et voici devant nous les splendeurs et les espoirs.
Le surréalisme nous a rendu une partie de nos chances. A nous de trouver les autres. A sa lumière.

Qu’on m’entende bien.

Il ne s’agit point d’un retour en arrière, de la résurrection d’un passé africain que nous avons appris à connaître et à respecter. Il s’agit, au contraire, d’une mobilisation de toutes les forces vives mêlées sur cette terre où la race est le résultat du brassage le plus continu ; il s’agit de prendre conscience du formidable amas d’énergies diverses que nous avons jusqu’ici enfermées en nous-mêmes. Nous devons maintenant les employer dans leur plénitude, sans déviation et sans falsification. Tant pis pour ceux qui nous croient des rêveurs.

La plus troublante des réalités est la nôtre.

Nous agirons.

Cette terre, la nôtre, ne peut être que ce que nous voulons qu’elle soit.

Suzanne Césaire, Tropiques, n°5, avril 1942

 

Les fleurs de Marceline Desbordes-Valmore 

 

 

Extraits

« N’est-il pas de ces jours où l’on ne sait que croire ;
Où tout se lève amer au fond de la mémoire ;
Où tout fait remonter les limons amassés,
Sous la surface unie où nos ans sont passés ?

Mémoire ! étang profond couvert de fleurs légères ;
Lac aux poissons dormeurs tapis dans les fougères,
Quand la pitié du temps, quand son pied calme et sûr,
Enfoncent le passé dans ton flot teint d’azur,
Mémoire ! au moindre éclair, au moindre goût d’orage,
Tu montres tes secrets, tes débris, tes naufrages,
Et sur ton voile ouvert les souffles les plus frais,
Ne font long-temps trembler que larmes et cyprès ! »

Extrait « Sol natal »

 

« Sur ton cœur cachées,
Des fleurs vont mourir ;
Les as-tu cherchées,
Pour me les offrir ?
Vois ! la lune éclaire,
L’enclos interdit…
Paix à ta colère,
Je n’ai pas tout dit ! »

Extrait « Ne fuis pas encore »

 

« Du roseau qui s’en va les racines pleurèrent.
Enhardi de frayeur, l’autre voulut courir ;
Il tomba : tomber seul, c’est tomber pour mourir ! »

Extrait « Les roseaux »

 

A NOTER
Collaboration Ut Fortis / En 2020, le court-métrage « Fleur d’eau » pour la prévention du suicide en partenariat avec l’office National des Forêts de France, est basé sur un poème de Marceline Desbordes Valmore, « Fleur d’eau », extrait du recueil « Pauvres fleurs ».

 

Pour aller plus loin

 

La Martinique où aura lieu le récital « La Différence » le 3 décembre 2022 est surnommée « l’île aux fleurs », définition de « Madinina », nom donné par les premiers autochtones de l’île.
En 2019, la poétesse et auteure-compositrice Christina Goh personnalise l’île. Dans son titre « La fleur », elle s’adresse directement à la terre martiniquaise, pour vouloir comprendre l’utilité de la fleur qui lui a donné son nom symbolique, végétal éphémère. Le clip vidéo a été référencé sur le site international Music.com (USA) : les histoires des chansons sélectionnées sur le site illustrent les origines de la culture, exposée et destinée à un musée national.

 

 

 

FELICITATIONS AUX NOMINES 2022 !

 

 

 

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